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Des arbres et des sols : éléments-clés de fertilité

De Triple Performance
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Des arbres et des sols. Arbre&Paysage 32

L'Activité biologique des sols - pour l'essentiel invisible, et son économie - par définition souterraine, reste aujourd'hui l'un des domaines de la recherche les plus mystérieux et prometteur. Le "capital sol" est au fondement même de la vie à la surface de la terre ; cela en fait l'un des patrimoines les plus précieux qui devrait être un souci constant et faire l'objet de toutes nos attentions, lorsqu'on aménage les territoires et lorsqu'on cultive la terre. D'autant que si l'érosion, son principal ennemi, est un phénomène naturel, ce sont les activités humaines qui en sont la cause principale.

Souvent coupable et toujours la première victime de cette situation (baisse de rendement, abandon de terres stériles, exploitations en faillite...), l'agriculture est pourtant la plus sûre des solutions pour reconquérir la fertilité et "produire des sols vivants", plus productifs et durables...

L'érosion : problème numéro 1

Photographie d'un glissement de terrain (gauche) et de l'érosion hydrique sur un sol nu (droite). Arbre&Paysage 32

Les menaces qui pèsent sur le sol sont nombreuses : érosion, salinisation, acidification, compaction, perte de biodiversité, etc. Qu'elle vienne de l'eau ou du vent, l'érosion est le problème numéro 1 en France. Stricto sensu, l'érosion due au passage des outils est faible en France (comm. pers. Claire Chenu). Par contre, elle favorise considérablement l'érosion hydrique. Différentes mesures sont mises en place pour l'enrayer mais restent insuffisantes et il est urgent de prendre le problème à bras le corps. L'érosion due à l'action de l'eau sur le sol prend de multiples formes: réseaux de griffes, de rigoles, de ravines, combinaisons d'érosions linéaires et en nappes. Les glissements de terrain par exemple sont déclenchés par un ensemble de facteurs dont deux sont décisifs :

  • la force de cohésion,
  • la composition du terrain.

Des taux de matières organiques élevés rendent les sols plus résistants à l'érosion.

Restaurer la fertilité des sols : un cercle vertueux

Les sols sont une ressource naturelle limitée, qui se renouvelle très lentement. L'aggrader (le contraire de le dégrader) passera par les plantes. En couvrant un sol de plantes un maximum du temps et en lui retournant beaucoup de matière organique morte, il est possible qu'un cercle vertueux se mette en place et que rapidement (en quelques années), le sol devienne naturellement plus fertile.

Spirale d'aggradation

Un sol naturellement plus fertile :

  • produira plus de biomasse,
  • abritera plus de biodiversité,
  • stockera plus de carbone et d'eau,
  • sera favorable au développement de réseaux mycorhiziens,
  • aura une épaisseur plus importante...

La richesse appelle la richesse : c'est la spirale d'aggradation.

Couple sol-plante à l'origine de la fertilité

Libération des éléments minéraux que les plantes assimilent

Au cours du processus de dégradation et de transformation de la matière organique en matière minérale par digestion, chacun a une tâche bien précise :

  • la macro-faune (vers de terre et autres "gros" animaux de surface) fragmentent les morceaux grossiers en plus petites particules,
  • les champignons sécrètent des enzymes qui décomposent les matières organiques les plus "coriaces" (comme la lignine) tout au long du processus,
  • les bactéries (hyperspécialisées pour certaines) s'attaquent aux liaisons des diverses molécules constituant les matières organiques.

Toutes ces "attaques" permettent la libération des éléments minéraux que les plantes assimilent.


Une plante a besoin, en plus d'azote, d'une vingtaine d'éléments minéraux. Sur un sol pauvre en champignon, une plante poussera mais poussera moins bien. On le dit peu mais les engrais chimiques apportés à dose élevée déstabilisent très fortement la vie du sol, en changeant ses propriétés chimiques (pH essentiellement). Les phosphates et nitrates inhibent les symbioses et les pesticides (fongicides, herbicides, insecticides) tuent la vie.

Fixation biologique de l'azote

La fixation biologique de l'azote permet de transformer l'azote de l'air, inerte et impossible à utiliser par les plantes et pourtant inépuisable, en azote assimilable. L'essentiel de l'azote accumulé dans les sols provient de la fixation par des bactéries :

  • pour 80% d'entre elles en symbiose avec les végétaux (tels que dans les légumineuses),
  • pour 20% des bactéries libres, dont la contribution pour la fertilité pourrait être essentielle, à condition d'être sur des sols vivants (Orr et al., 2011).

Fertilité naturelle

La fertilité naturelle est l'aptitude d'un sol à produire beaucoup de matière végétale, en recyclant rapidement ses éléments. Il est primordial de mener une réflexion approfondie de la fertilité à long terme. La fertilité se joue aussi et surtout dans les parcelles, à toutes les échelles de temps et d'espace et d'abord à celle du mètre carré, grâce aux apports :

Les deux pouvant être idéalement combinés car complémentaires, pour maximiser la fertilité. Une fertilité qui se réalise finalement dans une relation de couple (la fertilité ne peut en effet se définir autrement que par rapport à la plante) et qui fait ses preuves depuis plusieurs millions d'années : c'est le "couple sol-plante".


Photographie d'une forêt
Photographie d'une forêt. Arbre&Paysage 32

La fertilité naturelle d'une forêt résulte du maintien du milieu naturel dans des conditions qui permettent à la matière de se dégrader à une vitesse optimale, de sorte que les éléments nutritifs contenus dans les débris végétaux sont remis à la disposition et repris par les systèmes racinaires. Le sol forestier permet de recycler tous les éléments nutritifs nécessaires à sa croissance. Ainsi, cultiver en 3 dimensions grâce à l'arbre peut être la solution pour une agriculture vertueuse...

Le bois et sa lignine, à l'origine d'humus

Le bois est une façon durable de stocker le dioxyde de carbone de l'air et de le convertir en "matière fertile". Les branches et racines mortes, comme d'autres amendements organiques, aideront à :

  • augmenter l'activité biologique,
  • améliorer la structure,
  • maintenir voire augmenter l'humus des sols.


 La lignine, que l'on retrouve surtout dans les arbres et arbustes (plantes ligneuses) est la molécule caractéristique du bois. C'est de la matière organique très énergétique mais difficile à digérer par les micro-organismes, à l'exception de certains champignons (tels que les champignons de la pourriture blanche) qui la dégradent en présence d'oxygène. Une fois morts, les végétaux qui contiennent de la lignine se décomposent très lentement : une brindille ou une feuille de chêne peuvent mettre plusieurs années. Cette décomposition lente des matières ligneuses permet de stabiliser le carbone qu'elles apportent au sol sous une forme organique. Le carbone organique ainsi stocké dans le sol se minéralisant au fil des années, on peut considérer l'humus comme une réserve de nutriments pour la plante

Le Bois Raméal Fragmenté (BRF), apport organique, facilite la remise en état d'un sol en alimentant les organismes vivants. Mais il n'est pas une source de fertilité à court terme, comme peuvent l'être des amendements du sol tels que les composts et fumiers.

Couverture du sol et agroforesterie

Associations de cultures

Les associations d'espèces cultivées qui occupent des strates du sol différentes permettent aux plantes d'être complémentaires dans l'accès aux ressources du sol, sans se faire concurrence. Il en est ainsi entre les cultures et les arbres agroforestiers. De même entre les plantes de couverture dans l'horizon supérieur du sol. Par ailleurs, il est prouvé que certaines associations de cultures produisent plus, par le phénomène de facilitation.

Maximiser la couverture végétale

Les couverts végétaux herbacés sont utilisés par les agriculteurs pour maximiser :

  • le niveau de protection du sol,
  • son niveau de captation d’énergie solaire.

L’usage de couverts végétaux regroupe des pratiques d’associations de plantes, de semis d’engrais verts d’intercultures, de cultures pièges à nitrates, de cultures dérobées… L'idée générale étant de ne jamais laisser le sol nu, parce qu'un sol nu ne produit rien et se dégrade.

L'une des clés est d'intensifier, tout au long de l'année, la couverture végétale des sols en jouant non seulement sur la complémentarité horizontale (association d'espèces au sein d'une même strate) mais aussi verticale (superposition de strates herbacées, arbustives et arborées). L'arbre représente une "culture" pérenne, stable dans les rotations culturales et participant efficacement à la captation de l'énergie solaire. Cette agriculture en 3D permet de profiter de tous les effets des couvertures végétales :

  • bioclimatiseurs biodégradables,
  • pompes à nutriments à la base du recyclage de la fertilité,
  • infiltration de l'eau décuplée, etc.

Semer couvert

Les semis directs sous couvert végétal sont des techniques de conservation du sol consistant à semer directement dans une culture vivante (couchée grâce au rouleau à l'avant du tracteur) ou dans un paillage issu d'une culture intermédiaire. Ils présentent des bénéfices importants sur les plans agronomique et environnemental.

En permaculture, le sol est toujours couvert et climatisé. Dans le langage courant, la permaculture désigne des systèmes agricoles "naturels" et durables, le plus souvent en maraîchage ou en horticulture. C'est un concept inspiré du fonctionnement de la nature qui ne connaît jamais de sol laissé à nu.

Un cas concret de succession de cultures sur 365 jours

  • La rotation d'un couvert estival (tournesol + sorgho), d'un méteil (féverole, vesce, pois, avoine) et d'une culture de printemps (maïs) permettent de produire jusqu'à 56 tonnes de matière sèche/ ha/ an. La biomasse aérienne et racinaire est comptabilisée.
  • Un maïs seul est capable de produire environ 35 tonnes de MS/ha/an (14 tonnes de grains, 11 tonnes de tiges et 10 tonnes de racines et dépôts racinaires).

Dans le même temps et sur la même surface, cet agriculteur produit donc maintenant presque 2,5 fois plus qu'il y a 14 ans... (chiffres Association Française d'Agroforesterie - AFAF, 2014).

Succession de cultures sur 365 jours. Arbre&Paysage 32


Une grande partie de la biomasse peut donc retourner au sol, permettant ainsi de nourrir les êtres vivants qui le peuplent et d'entretenir la fertilité. Les échelles de temps à considérer pour reconstituer les stocks de carbone dans les sols sont importantes, mais l'agriculteur gersois qui pratique la rotation décrite a vu son taux de matière organique passer de 1,5 à 2,6% en à peine 10 ans.

Agroforesterie : 1+1=3

L’agroforesterie, qui valorise le mieux les ressources naturelles dans le temps et l’espace, permet de construire des systèmes agricoles résilients et autonomes. Les cultures annuelles issues de variétés population qui poussent sous les arbres nécessitant moins d’intrants, à plus fortes capacités de mycorhization et plus tolérantes à l’ombre, permettent de tirer le meilleur parti des potentialités locales.

Il s'agit de rendre la plus efficiente possible l'utilisation des facteurs de production naturels (l'azote et autres minéraux, eau, lumière, la surface au sol...). Par exemple, une ferme agroforestière de 100 ha produit autant de biomasse qu’une ferme de 140 ha où arbres et cultures sont séparés.

Agriculture de conservation, foresterie et agroforesterie ont en commun :

  • un sol vivant,
  • une bonne utilisation des ressources naturelles du milieu,
  • de bons taux de matières organiques.

Plus spécifiquement l'agroforesterie est intéressante pour :

  • le potentiel accru de stockage de carbone (lignine et production maximale),
  • la forte réduction des pertes par érosion et lessivage,
  • la stabilisation des sols,
  • le partage accru des nutriments et de l'eau à plusieurs échelles de temps,
  • les productions multiples (alimentaires, énergétiques...).

Penser le rendement à l'échelle du mètre carré

La notion de "rendement agricole" telle qu’elle est communément utilisée de nos jours dénote une conception erronée des objectifs de l’agriculture et des facteurs de production dont celle-ci dépend. Toutes les productions doivent être prises en compte :

  • denrées alimentaires,
  • fibres,
  • énergie.

Pour quel coût de production ?

En grandes cultures par exemple, passer au semis sous couvert permet d'économiser jusqu'à 40% des charges qui incombent à la mécanisation agricole.


En relocalisant la fertilisation à l'échelle d'une petite région agricole, d'une ferme, voire d'une parcelle, on peut garantir la fertilité durable des sols. Et les matières organiques en sont la clé. La question essentielle est donc : combien de tonnes de matières organiques par hectare faut-il retourner au sol pour qu'il retrouve et maintienne ensuite sa fertilité naturelle et ses performances de production ?

Si la réponse est complexe, le principe général est simple : il est nécessaire de produire un maximum de biomasse par mètre carré pendant une année.

Le sol et la plante pour de l'eau disponible en quantité et en qualité

Les haies, les arbres et les couverts végétaux permettent de mieux gérer l'écoulement des eaux de pluie, de son arrivée à sa sortie dans les cours d'eau et les nappes phréatiques. Dans les parcelles comme à l'échelle d'un bassin versant, l'objectif est triple : il s'agit de fixer, freiner et filtrer l'eau : la règle des "3 F". Un changement de modèle de production grâce au génie du végétal pourra permettre de faire face aux enjeux liés à la ressource en eau, pour pallier la sécheresse comme l'excès d'eau.

La battance sur des boulbènes (sol argilo-limoneux acide). Association Française d'Agroforesterie (AFAF)
  • Par ses fonctions de piège à nitrates et d'infiltration, l'arbre associé à une couverture végétale permanente des sols agricoles, permet d'atteindre le bon état chimique et écologique des masses d'eau. Les phénomènes chroniques d'érosion qui touchent nos terres agricoles labourées altèrent dangereusement leur potentiel de production, ainsi que la qualité des eaux de surfaces et souterraines. La couleur de l'eau de nos rivières témoigne de l'impact de nos pratiques agricoles sur la qualité des eaux.
  • Les matières organiques jouent un rôle majeur dans la capacité des sols à retenir l'eau. En favorisant une micro et macroporosité plus importante, le tissu végétal qui en est à l'origine régule et augmente l’infiltration de l’eau, réduisant ainsi le ruissellement dû à l'imperméabilisation. En plus de ne pas entraîner de phénomènes d’érosion, ce volume d’eau sera stocké plus longtemps au champ et disponible pour les plantes cultivées.
  • Des vitesses de vent élevées augmentent également la transpiration des plantes et l'évaporation du sol, diminuant l'eau accessible pour les cultures. Des haies brise-vent, comme une couverture végétale herbacée, limitent ces phénomènes et seront particulièrement intéressants dans les zones où l'eau manque, en plus de tous les autres services rendus.

Sources

SCHEERCOUSSE P. 2015. Des arbres et des sols, éléments clés de fertilité. Arbre&Paysage 32 [22/09/2022]. https://ap32.fr/wp-content/uploads/2019/12/livretAP32_arbres_sols.pdf

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